Enfin un Meister? [PV: Akito Notu]

Les cours défilaient, certains plus appréciés que d'autres. Parfois, le professeur ne captivait pas sa classe, restait trop morne et l'on s'endormait durant son cours, au risque d'une punition. Parfois, un autre était plus passionné, plus vif et nous donnait sa propre énergie. Il appréciait son cours et nous le faisait apprécier autant que lui. Certains étaient trop sévères, nous rendaient les dernières interrogations en invectivant tous les élèves qu'ils ne trouvaient pas au dessus de leur moyenne à eux. Parfois, c'était la chaleur qui nous étouffait et empêchait la concentration. D'autres fois, nous nous retrouvions dans des locaux où le chauffage ne semblait plus en état de marche. Telle est la vie d'un étudiant à l'Académie. Les cours se succèdent. Appréciés ou non. La journée venait de se terminer. Une de plus. Poussant la porte le dernier, je saluai le professeur avant de m'en aller. Il avait donné un autre devoir, comme à chaque fois. Et malgré les plaintes de quelques-uns, il avait ajouté une couche à ce travail. Je n'avais pu m'empêcher de sourire. Ils le méritaient bien.

La porte grinça en se fermant. Les couloirs étaient vides, comme si chacun s'était donné rendez-vous dans un lieu. Je me souvenais des têtes tournées vers l'extérieur durant ce dernier cours. Beaucoup devaient être dehors, d'autres prenaient déjà une douche avant que les salles soient prises. Peut-être même certains se réfugiaient-ils dans leur chambre ? Je le faisais parfois. Pas maintenant. Deux travaux à rendre. Cela me prendrait une partie de cette fin de journée et si la bibliothécaire était d'accord, je prendrais mon repas dans la salle des livres. Tournant rapidement pour me rendre dans la cage d'escalier, j'effleurai deux filles du Troisième Cycle. A leur regard, je compris que je les dérangeais dans une conversation que seules des filles pouvaient comprendre. Je lâchai dans un murmure un petit Excusez-moi, de sorte qu'elles reprirent rapidement leurs bavardages. Montant les marches deux par deux, je me rendis compte que j'avais perdu un peu de mon souffle. Puis je repris une marche plus paisible, ouvrant la porte. La chambre avait un côté bordélique qu'aucun de nous ne voulait ranger. Je soupirai, haussai les épaules, avant de me rendre à mon étagère. Je n'allais pas prendre du temps à ce nettoyage. J'étais méticuleux, certes, mais pas au point de ranger leurs affaires. Rangeant les quelques livres que j'avais besoin dans mon sac, j'ouvris la fenêtre avant de ressortir.

Redescendant, je me rendis directement dans la bibliothèque, seul endroit où le silence était obligatoire. Un endroit que j'appréciais pour cela, me permettant une meilleure concentration, notamment pour mes travaux. Saluant d'un hochement de tête, l'habituelle dame préposée à la surveillance, je vis qu'elle inscrivit mon prénom sans me le demander. J'étais devenu un habitué tel qu'elle connaissait mon identité, voire même mes cours favoris. Me rendant à mon habituel table, j'ouvris mon sac, sortis les quelques livres de Géographie ainsi que d'Etude de la Faune. Deux cours que j'appréciais malgré la sévérité du professeur du premier et le laxisme du second. J'avais appris à être cordial avec le premier, tandis que j'avançais plus vite que la classe dans le second cours. Je vis que la femme me jetait un regard de biais, observant ce que j'allais travailler aujourd'hui. Je crus d'ailleurs y voir un sourire en coin. Commençant par le cours le plus exigeant, la Géographie mondiale, je ne m'arrêtai qu'une fois pour aller prendre un verre d'eau. Cela me prit un certain temps, j'aurais pu croire à une éternité si le bruit des couloirs m'arracha à mes contemplations. Il était du repas et je n'avais pas terminé ce premier devoir. Me pinçant les lèvres, je décidai de continuer mon travail, plutôt que de manger.

Le silence s'installa rapidement de nouveau et je pus reprendre ce que j'avais commencé. Me relisant, corrigeant mes propres fautes, je pris le temps de reformuler les phrases les plus saugrenues avant d'être satisfait. Avec sourire satisfait, je rangeai le premier devoir terminé dans le petit dossier. Sortant le second cours, je pris le temps de relire l'intitulé quand brutalement, la grande porte s'ouvrit d'un coup sec. D'habitude si silencieuse, la bibliothèque résonna de ce soudain bruit. La préposée lança un regard noir à la jeune femme, tandis que pour ma part, je lâchai un court juron, n'appréciant pas le désordre créé par l'intervention de la jeune fille. Ne voulant pas m'attarder sur ce fait, je me plongeai dans mon dernier devoir de la soirée, tandis que je sentais mon estomac me criant en silence sa faim.

La jeune femme s'installa à mes côtés. Elle venait de prendre un livre d'Histoire Antique. Je souriais dans mon coin, replié sur mon propre devoir. Je ne pouvais m'empêcher de découvrir sur quoi elle devait travailler. Etant ma matière préférée, que je souhaitais même enseigner si cela m'était donné. Me mettant à mon travail, je pris les pages nécessaires, parlant des quelques mammifères marins, ainsi que les poissons vivants dans des profondeurs obscurs. Cela était appréciable et j'aimais ce chapitre, mais ma concentration était interrompue continuellement par l'incessant bruit des pages de la jeune fille. Elle cherchait naïvement. Je sentis un instant son regard se porter sur moi, puis ses cheveux vinrent dans mon champ de vision. Elle venait de se plier, m'obligeant à me relever pour l'écouter. Quand était né Platon ? Un instant, je fis les grands yeux, avant de me replier sur moi-même, écrivant faussement sur ma propre feuille. Je faisais toujours cela quand je réfléchissais. J'écrivais à blanc.

_ Je crois que c'était en 428 avant notre ère. En Grèce, à Athènes, de souvenir.

Lui souriant, je pris un instant son livre, vérifiant rapidement aux pages indiquées. Prenant le bout de mon crayon, je retournai le bouquin dans son sens, lui montrant les informations exactes. Avec un petit sourire satisfait, légèrement fier de mes souvenirs, je repris un instant mon propre devoir, avant de lui chuchoter, simplement pour débuter la conversation et ne pas paraître trop distant.

_ Un travail sur les philosophes grecs, je me trompe ?

Un petit sourire et un clin d'oeil terminant ma phrase, je jetai un bref regard à la préposée qui ne semblait pas indisposée. Elle n'entendait peut-être pas le chuchotement, même si cela me semblait peu probable. Elle était habituée au silence et le moindre bruit semblait la dérangée. Intérieurement, je me fis la promesse de la remercier de son indulgence.

Un silence s'installa entre elle et moi. Ce doux bruit qui devait régner au sein de la pièce venait de reprendre ses droits. Elle ne me répondit pas, écrivant quelques mots sur sa propre fiche avant de consulter le reste de son questionnaire. Me remettant à mon propre travail, je continuai l'écriture de ma dissertation concernant la faune maritime, et plus précisément, les mammifères marins. Un sujet qui restait intéressant, même s'il ne me passionnait pas. Je griffonnai quelques mots sur ma page entièrement blanche. Il me semblait un instant que je devrais passer une partie de ma nuit pour terminer ce devoir. Un froissement de vêtement me fit relever mon visage, me rendant compte qu'elle s'était approchée pour chuchoter les teneurs de son propre travail. J'en souriais. Le questionnaire parfait. Elle ne semblait guère du même avis qu'elle lança un long soupir quelques seconde après. Je ne pus m'empêcher de rire intérieurement à sa propre réaction.

Reprenant ma page encore blanche, je continuai davantage son écriture, rassemblant mes idées, lui donnant un volume. Malheureusement, ce ne fut que de courte durée. Elle n'était plus d'avis à se taire, souhaitant engager davantage la conversation. Autant, d'un côté, cela m'amusait. Autant, de l'autre, cela m'agaçait. Je travaillais et je détestais être dérangé une fois que je m'y mettais. Or, c'était bel et bien ce qu'elle faisait. Elle ne pouvait pas le savoir. Forçant un instant sur mon bic, grossissant le trait, je lâchai rapidement ce dernier, voulant éviter de le casser. Encore un. La préposée à la bibliothèque n'aurait pas apprécié. J'en avais déjà que trop casser. Je ne devais pas passer ma colère, mon irritation sur cet objet inanimé. Glissant une main sur ma jambe, me relaxant ainsi, je relevai la tête pour lui sourire et répondre.

_ Ne crois pas si bien dire. Tu envieras les cours du Quatrième Cycle, alors. Surtout que l'Histoire est une matière capitale. Du moins, je considère cette matière comme ma préférée.

Je lui souris une nouvelle fois. Certainement voulais-je la mettre mal à l'aise, lui faire comprendre que son commentaire m'avait légèrement vexé. Mais en même temps, je me devais de la comprendre. Chacun ne pouvait apprécier au même niveau chaque matière. Certains en préféraient que d'autres détestaient et l'inverse existait. Me redressant, je partis prendre un autre livre, en rangeant un au passage. Toujours sur la même étagère, je pris le temps d'observer chaque encolure, espérant en trouver une plus intéressante que la précédente. Mais je fus déçu et n'en pris qu'un, ayant un rapport intéressant. A mon retour, la jeune fille avait le regard légèrement distant, comme si elle voyait l'invisible, comme certains prêtres dans l'Antiquité. Fronçant les sourcils, doutant un instant de mes propres gestes, je me rassis rapidement, sans lui prêter plus guère qu'une naïve attention, avant de relever la tête, surpris de ses propres termes. Mais de quoi elle parlait, alors ? Aristote était un philosophe grec ayant lancé la première démocratie, ou du moins les prémices, sur les terres athéniennes. La monarchie n'était pas de ce temps. Avait-elle répondu à deux questions de son questionnaire ? Et quel était ce regard où la distance se marquait ? Frissonnant un instant, je baissai les yeux, préférant taire mon propre instinct.